DÉFENSE. DU COMMANDANT, ET DES OFFICIERS DELA MARINE, Prisonniers a Toulon. Deuxieme opinion de M, Ma lo UE T» Messieurs, C’est un moment de deuil , c’eft un inalheur public , que de voir traduire dans cetre affem- blée , en aceufés , les innocences victimes d’une odieufe intrigue & d’une violence coupable. Le commandant ôc les officiers de la marine de de Toulon font innccens : je me charge de le démontrer. Les droits de l’homme ôc du citoyen ont été violés dans leur perfoniie , vos décrets mécon- nus ; les pouvoirs légifiatifs Ôc exécutifs font offenfés ; l’humanicé , la juftice , là fureté publi- que, l’honneur national , demandent qu’ils foienc vengés. THENEWE£RR^ .* UBRARV ^ ( ^ ) li ne s’agit, meflieurs, que de bien conftater les faits Ôc les époques , de lailTer chaque chofe â fa place, &c la vérité fortira de cous les nuages donc on voudroic renvelopper, 11 y a dans cette affaire trois époques & trois efpeces de faits très-différens. Les premiers griefs contre M. d’Albert font antérieurs à la fédicion du premier décembre. Avoir -il tort ou raifon ? quel genre de tort pouvoir lui être imputé ? que pouvoir -il réfultec de cette inculpation ^ c’efl ce que nous allons exa- miner. La deuxieme époque eft celle de la fédirion. M. d’Albert , bien ou mal â propos, chaife deux ouvriers de i’arfenal; il en réfulte une émeute ; il eft infalcé ^ on s’attroupe j on lance des pierres contre fa maifon ; cinquante foldats de la marine font appellés pour la garder. Les officiers municipaux emploient tous leurs efforts pour appaifer le cuimulce ; ils ne peuvent y réuffii ; M. d’Albert eft arrêté. Voici maintenant la troilieme époque. C’eft après l’emprifonnement que s’élèvent les fufpicions, les acculations , & qu’on fait entendre des témoins. Sera ce donc pour juftifier la violation de tous les droits , de toutes les formes , qu’on emploie ( 5 ) niâiiuenanc des formes judiciaires, qu'on a reçu des dépolirions ? Ah ! c’eil avanr d’infulcer, de bleiTer, d*em.pri- fonner les officiers de la marine , qu’il faîloic faire informer corxrr’eux ; il eft crop cruel aujourd’hui de les accufer , de vouloir les rendre fufpeéis a la nation, après les avoir outragés de toutes les maniérés. Mais je demande de quoi l’on accufe le com- mandant & les officiers de la marine de Toulon ? Qui eft-ce qui les accufe ? QueU font les chefs d’accafacion ? Eft-ce la municipalité de Toulon qui accufe ? Je ne vois, dans fes arrêtés &c dans Tes lettres , aucun titre , aucun chef précis d’accufarion. Elle expofe des faits , elle envoie un procès-ver- bal de dépolirions ; elle annonce que le comman- dant de les officiers ont été arrêtés à la clameur publique. Or , qu’eft-ce que la clameur publique dans une fédicion ? C’eft la fédi^ion elle- même ; c’eft la voix de fes auteurs ou de fes complices. •Le premier fait à r-emarquer, eft donc que la mu- nicipalité n’a cru ni devoir , ni pouvoir donner au- cun ordre d’arrêter M. d’jilberr 3c les officiers de la marine ; que , jufqu’aii moment delà fédicion , elle traicoic slvqc le commandant par fes dépurés j A Z (4 ) qu’elle demandoît la grâce des ouvriers chafîés de Tarfenal ; qu’elle n’avoit pas même pris une part dire<5te & officielle aux plaintes ancérieuremenc portées contre M. d’Albert par le corps des vo- lontaires, & â la dépuration qu’ils avoient faite de trois de leurs membres à Paris , qu’elle a feu- lement approuvée à leur réquilirion. La municipalité ne fe croyoit donc pas offenfée avant cette malheureufe journée du premier dé- cembre ; elle ne regardoit pas davantage le corps des citoyens comme offeiifé par M. d’Albert. Une exprdfiiün vive , qui ne s’adrelToit évidemment qu’à un ou deux particuliers , que M. d’Albert croit avoir apperçus dans le nombre des volontai- res , cette oftenfe qu’il a réparée enfuice , ne pou- voir erre réputée colieétive pour tous les cicoyens avec lefquels M. d’Albert a toujours bien vécu. D’ailleurs , un homme fenfé n’infiilte pas un corps , & M, d’Albert eft au moins un homme très-fenfé. Cependant cette affaire de la cocarde fe repro- duit aujourd’hui comme caufe première j comme ligne des mauyaifes intentions du commandant; il faut donc l’approfondir dans tous fes détails ^ & voir comment on peut en faire naître un vœu prononcé contre la révolution , un projet d’attaque ou d’ofienfe contre les citoyens. ( 5 ) Je remarque d’abord qu’il n’y a rien de plus contraire à la liberté , rien de plus tyrannique que cette efpece d’inquidtion , qui donne un corps à la penfée pour en faire un délie, en attachant l’idée d’un projet criminel à des aélions , â des démarches indgnifiantes par elles-mêmes. On a remarqué, avec affedtation , que M. d’Al- bert n’aimoit pas la cocarde , 5c qu’il avoit dé- fendu de la porter : cela n’eft pas , il l’a portée lui - même , aind que toutes les troupes. Il a trouvé très-raifonnable que les ouvriers de l’ar- fenal la porraffenr aulîi ; mais il leur a défendu de s’enrôler dans le corps des volontaires , ÔC d’en porter le ligne , qui eft une aigrette. Pourquoi cette défenfe ? Si le commandant croit qu’elle eft nécelTaire au maintien de la fubordination dans i’arfenai , que le fervice de volontaire ell incompatible avec celui de l’arfenal , qu’il en réfulte une perte de tems pour les ouvriers , qu’ils feront moins afiîdws , moins fournis à leurs chefs , le com- mandant peut s’être trompé ; un décret de l’af- femblée^ un ordre du gouvernement peut redreffer cette erreur; mais comme il n’écoic ^ fur ce ppinr- lâ , contraint par aucune loi ; que celle qui met à fes ordres toute la dalle des ouvriers n’eR A 3 point rovoqaée , il a eu le droit de faire une pareille défenfe , fans offenfer perfonne , & fans fe rendre fafpë6t de mauvarfes intentions. 'Comment fe fait-il qu’un homme, dont la con- Guite a cté droite & loyale pendant tous les orages qui fe font fiiccédés depuis le mois de juin , fe foit rendu fufpedl pour avoir défendu aux ouvriers de porter non pas la cocarde , mais une aigrette de volontaire ? « * Mais il a tenu un mauvais propos aux volon- taires. ‘ M. dh^lbert apperçoit dans le nombre un ma- çon qui s’éroir hgnalé par fes violences dans l’é- \ meute du mois de mars , qui avoit même été dé- crété & condamné par la juRice. M. d’André marque aux minières qu’il a purgé ce corps des étrangers des gens fufpeéts qui s’y écoient introduits ; qu’il ne fera plus compofé que' de domiciliés Sc d’honnêtes ^lens.... c? M. d’Alberi eR^donc excufable d’avoit éprouvé’ ôc manifefté nn mouvement d’humeur qui ne pou- voit s’âdreiïer aux volontaires citoyens. Mais on voit dans fa première llBttre à M. Rou- baiîd qu’il n’aime point la cocarde , qu’il la re- garde comme un ligne d’effervefcence,... On y voit aulîi qu’il eft perfuadé qu’on ne la porte plus en province quand on n*eft pas fous les armes ; il pouvoir erre à cet égard dans l’erreur. Miiis cette erreur même montre fa' bonne foi ; nnenr commandé par la violence ne lui obéit pas ; il fuccombe ; mais fon courage 5c fon devoir confervent la même fierté. Daignez-donc remarquer, mefiieurs, qu’ici les ©fficiers municipaux négocient j ils font loin d’in- culper; ils demandent une grâce; ils apperçoivenc avec inquiétude un attroupement ; ils tâchent de ( «3 ) le difïîper *, ils protègent la retraite du comman- dant ; ils le conduifent dans fa maifon *, 8c c’eft lorfqu’ils le croient en fûreté qu’ils fe retirent en commandant pour fa garde la milice nationale. Cependant, au premier rhoüvement du peuple, deux piquets de cinquante canonniers font aufîi commandés : oninfulte l’officier qui efl: à la tête : on veut lui arracher fon épée ; on en terraffie , on en biefTe un autre , on le défarme. — M. de Bonneval caufoit tranquillement fur un balcon avec deux capitaines de la milice ; on lui donne un coup de fabre fur la tête. — La foule augmente à la porte de l’horel ; on lançoit des pierres de toutes parcs ; c’eft au milieu du tumulte que M. d’Albert réclame la loi martiale ; qu’il demande cinquante hommes du régiment de Barrois. — Un envoyé de l’hôtel - de - ville demande de la part des confuls que le détachement fe retire , la garde nationale fuffira pour rétablir le calme, de défendre de route infulte les officiers de la ma- rine. Cette garde arrive en effet , 8c le détache- ment de Barrois fe retire , celui de la marine reffe feul ; 8c dans le moment où M. de Broves, qui le commande eft menacé ôc affailli , il donne l’ordre de porter les armes ; il n’eft pas obéit 8c rentre par ie balcon dans la maifon du commandant. La loi ( *4 ) martiale efl refüfée ; mais on y fuppiée ; on croie y fuppiéer par une proclamation qui défend toute infulte , toute attaque contre M. d'Albert li- que que le commandant 6c officiers font arrêtés : c’eft après quatre heures d’attroupement 6c de tu- multe ; c’eft après avoir commencé par des huées 6c des menaces ; après avoir blelfé , terraffé , dé- farmé plufteurs officiers ; après une proclamation de paix 6c de retraite , que la violence > toujours croiflant, s’eft convertie en fureur, & s’eft portée aux derniers excès. { 15 ) Nous voici arrivés àia croifieme époque. Quand on a mis au cachot le reprérenrant du roi , & les principaux officiers d’un corps diftingué , il eft très-probable' que l’on defire de les trouver cou- pables j il eft très-probable que Ton ne néglige rien pour y parvenir; car les auteurs d’un tel at- tentat ont tout à craindre pour eux-mêmes , s’ils ne s’afTurenc des victimes & des complices. On a donc prcKluic des témoins, 6c reçu des dépolirions : il Faut anticiper ici fur l’ordre des faits J Ôc vous produire aufii fine dépoficion irré- cufable , qui conftare qee la municipalité de Tou- lon n’eft pas libre ; que les volontaires y com- mandent en maîtres; qu’excités eux-mêmes par une multitude fédirieufe , les uns trompés, les autres épouvantés , fuivent â regret cette impulfion vio- lente , 6c qu’il réfulte de ce mouvement défor- donné un appareil de terreur & de menaces, de- vant lequel les plus honnêtes gens fe taifent en gémi iTant. M. d’André mande aux minières que dans les confeiLs tenus en fa préfence , des volon-^ taircSydes gens armés entroient à tout moment ^ & annojicoient la volonté du peuple, C’eft ainfi.^ q^’il délibéré , le 7 & le 8^ que les prifonniers feroient détenus jufqu’à l’arri- vée des ordres de l’afiemblée. — G’eft ainfi que ( ) Tordre donné par M. d’André & par les coafals, de transférer M. d’Albert, malade, de la prifon à Thôpitai, a été révoqué par la multitude ^ qui â, au contraire, transféré^ MM. de Cafteliec de de Bonneval , quoiqu alités , blelTés & très-louf- frans , de Thôpital à la prifon. — C’eft ainfî que M d’André annonce qu’il elt lui-même gardé â vue; qu’il ne peut réfifter aux ouvriers de Tarfenal , qui demandent des armes , de qu’il a fallu leur en donner. Je fuppofe donc ; meffieurs , qu’en entendant le compte qui vous a été rendu des dépofitions , vous n’avez pas oublié tous ces faits j defquels ré- fultent plulieurs conféquences ; la première , que la municipalité 8e les honnêtes citoyens , cédant aux circonftances , ne peuvent avoir manifefté , ni par ce qu’ils ont fait, ni par ce qu’ils ont écrit, un vœu & une opinion libre. La fécondé eft que le peuple , ému & mis dans un état de fermentation violente par des bruits méchamment répandus , par des intérêts privés , qui fe font confondus dans le mouvement général, le peuple, dis*je , a dû craindre, me- nacer , accueillir , & propager les alarmes ôc les fables les plus extravagantes. La troilîeme conféquence enfin , eft que les vrais ( '7 ) vrais criminels les inftigaceurs de cette émeute, qui font peut-être étrangers , & qu'on a vu diftri- buer de l’argent , les ouvriers mécontens , ceux qui avoient déjà montés , ou qui le préparoienc à l’infubordination , les ennemis perldnnels de M. d’Albert 5c des officiers prifonniers , ont dû ifluer avec plus ou moins d’aébivité fur ce dé- lord re. Ce n’eft jamais par une feuie caufe , par im feul moyen, que les émeutes populaires, ëc les crimes qui les fuivent s'exécutent : tel homme qui n’y auroit pas fongé , profite de l’occafion pour fe venger , pour accréditer une calomnie utile ; car la fociété refiemble alors à un vafte laboratoire de chimie 5 où des végétaux , des minéraux inaélifs n’attendent que le feu qui les divife ôc les fubiime , pour devenir des poifons. C’eft au milieu de ces circonftances , c’eft , fi j ^ L dire , à travers les tourbillons de flammes 6.' de firr-ée qui m-^rquoient encore l’incendie , qu’ont été lejues les dcpolitions. Et cepend mt , qu’ont - elles conftaté ? Que proü'^eiît elles ? Rien, Non , meffieurs , le plus ardent iriquiflteur , le plus habile criminalifle ne fauroit compofer la preuve d’un délit , d’un deflein même criminel de cette multitude , de B ( ) dires vagues ou pofîtifs , mais contradidoires ou ' infignifians : la méchanceté meme a oublié ici fa perhdie ôc Tes moyens j (k quand tous ces men- fonges fe convertiroient en vérités, le comman- dant Sc les officiers de la marine refteroient ce qu’ils font , purs & iniiocens , mais vidimes d’un attentat atroce. Je ne reviendrai plus fur les dépofuions rela- tives â la cocarde , ce feroit manquer au refped dû à une affemblée légiflative ; ce feroit montrer devant vous, meffieurs, cette crainte ferviie que repouffie les loix & leurs organes , que de fe dé- fendre plus long tems contre le reproche tyran- nique qui s’adreffie â l’intention. La première dépohtion , marquante pour les gazetiers incendiaires & pour le peuple crédule^ eft Celle des préparatifs qui fe faifoient depuis trois femaines dans Tarfenal : O/2 travaïlloït à des cartouches à mitrailles , à des artifices ; on îranfporîOLt des caijjes â couliffes d* un lieu à d autre» Je réponds que c’elt le travail de tous les jours dans les are'iers de les magafins de l’artillerie ; ou fl ce travail a été interrompu pendant quelques- tems pour s’occuper d’objets plus indans , c’étoic une raifon de le reprendre avec plus d’adiviré ; car, indépendamment des confommations qui ont ( '9 ) ■ lieu pour les armemens , & nous avons dans ce niomenc-ci plulîeurs bâtiniens à ia mer , on pré- pare pendanc la paix tous les uftendles ; coures les munitions d’artillerie nécefla.res à l’univer- lalite des bâtimens du port, en cas de guerre. 11 n’y a donc rien de plus ridicule que les alarmes ou les foupçons qu’on voudroit induire d’une telle allégation ; elle ne mérite pas d’être autrement combattue. On a depofe que le 29 décembre on avoir fait charger les canons de l’amiral : cela devoir être ainfi. Auffi-tôc que le corndtandant a quelqii’in- qmétude pour i’arfena! , fon intention principale doit k porter fur le porc , & fur l, bagne des forçats. _ Dans ces cas-là , on fait plus que d armer les batteries de l’amiral , on en drk ’ “ mitraille , & tout eft di.poie pour foudroyer le bagne li les forçats fe révoltent , & fi fon ne peut les réduire ature- menr. On a dépofé en plufieurs lieux de la côte comme à Toulon , qu'on avoir drelTé depuis pej qes mats de figiiaux fur les montagnes (!);&: déiihiZiZrirziiüFTru , fecnçe au i